40.
L’horreur
J’ai ralenti le pas quand j’ai entendu des voix. Ce ne pouvait être Doc, j’étais encore trop loin de l’infirmerie, mais d’autres personnes qui en revenaient. Je me suis plaquée contre la paroi. J’avais le souffle court après mon sprint. Je me suis couvert la bouche pour étouffer le bruit.
— Pourquoi on continue à faire ça ? se plaignait quelqu’un.
Je n’ai pas reconnu la voix. Quelqu’un que je ne connaissais pas bien. Violetta peut-être ? Il y avait la même inflexion sinistre que la fois précédente. Mon pressentiment ne m’avait pas trompée !
— Doc ne voulait pas… C’est Jared qui a insisté.
Ça, c’était Geoffrey ! Il y avait de la révolte contenue dans son ton. Geoffrey faisait partie de l’expédition, avec Trudy. Ils ne se séparaient jamais, ces deux-là.
— Je croyais qu’il était contre.
Travis, cette fois ? Sans doute…
— Oui, mais il est motivé maintenant, a répliqué Geoffrey (Sa voix était basse mais vibrante de colère.)
Ils sont passés à moins de cinquante centimètres du renfoncement où je m’étais cachée. J’ai retenu mon souffle.
— C’est de la boucherie, a chuchoté Violetta. Ça ne marchera jamais.
Ils avançaient lentement, d’un pas alourdi par le désespoir.
Personne n’a répondu. Ils sont restés longtemps silencieux. Leurs pas ont diminué au loin, mais je ne pouvais attendre qu’ils s’évanouissent tout à fait pour sortir de ma cachette ; Ian était peut-être déjà sur mes traces…
J’ai repris ma progression en rasant le mur et me suis mise à courir dès qu’on ne risquait plus de m’entendre.
À l’orée du virage suivant, j’ai aperçu le halo de lumière filtrant de l’infirmerie. J’ai réduit l’allure – un petit trot discret. Sitôt que je serais sortie du coude, j’aurais un bon angle de vue sur l’intérieur de la pièce. Je me suis engagée dans le virage. La lumière grandissait à chacun de mes pas.
Je marchais à présent avec prudence, posant un pied devant l’autre sans bruit. Pendant un moment, j’ai craint de m’être trompée. Il ne se passait rien d’anormal, c’était mon imagination qui me jouait des tours. Mais alors que j’arrivais aux abords du domaine de Doc, dont l’entrée projetait un rectangle de lumière blanche sur la paroi opposée, j’ai entendu des sanglots étouffés.
Je me suis approchée, longeant le mur sur la pointe des pieds.
Les sanglots continuaient. Il y avait un autre bruit, comme un contrepoint sourd qui leur répondait.
— Là, là… (C’était la voix de Jeb, lourde d’émotion.) C’est fini, Doc. C’est fini. Ne le prends pas trop à cœur.
Il y a eu des bruits de pas ; plusieurs personnes qui se déplaçaient dans la salle. Des froissements de vêtements. J’avais l’impression que l’on nettoyait quelque chose.
Il y avait aussi une odeur bizarre… étrangère… une odeur métallique, mais avec quelque chose d’organique… Jamais je ne l’avais sentie ici et pourtant, j’avais l’impression qu’elle ne m’était pas inconnue.
Je n’osais passer la tête dans l’ouverture.
Qu’est-ce qu’on risque ? a lancé Mel. Au pire, qu’ils nous demandent de partir…
Tu as raison.
Si c’était là le « pire » à craindre des humains, mon point de vue sur eux avait bien changé.
J’ai pris une profonde inspiration – encore cette odeur dans les narines, étrange, dérangeante – et j’ai passé le seuil de l’infirmerie.
Personne n’a remarqué ma présence.
Doc était agenouillé par terre, son visage dans les mains, les épaules traversées de soubresauts. Jeb se tenait derrière, lui tapotant le dos.
Jared et Kyle posaient un brancard de fortune à côté de deux lits tirés au milieu de la pièce. Le visage de Jared était fermé – le masque était revenu depuis qu’il était parti.
Les lits n’étaient pas vides ; dans chacun, on distinguait une forme, cachée sous les couvertures vertes. Longue, irrégulière, avec des creux et des bosses familières.
La table d’opération, confectionnée par Doc, trônait à la tête de ces deux lits, dans une mare de soleil. Le plateau scintillait de scalpels en acier Inox et d’une collection d’instruments de chirurgie antédiluviens dont l’utilité me demeurait mystérieuse.
Plus lumineux encore que ces ustensiles, j’ai vu, éparpillés, des segments de cylindres argentés, gauchis, vrillés… des grappes déchiquetées de filaments moirés et, partout autour, des flaques d’un liquide argent vif, sur les couvertures, le sol, les murs…
Mon hurlement a déchiré le silence de la pièce. Tout a tremblé. Les murs se sont mis à tourner autour de moi, m’empêchant de trouver la sortie. Ces murs, souillés d’argent, se dressaient devant moi, quelle que soit la direction vers laquelle je me tournais.
Quelqu’un a crié mon nom, mais je n’ai pas reconnu la voix. Mon hurlement était trop fort dans mes oreilles. Il explosait sous mon crâne. Le mur de roche, l’argent dégoulinant, tout m’a heurtée de plein fouet et je me suis écroulée au sol. Des mains puissantes m’ont maintenue là.
— Doc, à l’aide !
— Qu’est-ce qu’elle a ?
— Une crise ?
— Qu’a-t-elle vu ?
— Rien… rien. Les corps étaient couverts !
Mensonges ! Les corps étaient nus, hideusement offerts, gisant dans des contorsions obscènes sur la table d’opération. Mutilés, démembrés, déchirés…
J’avais même reconnu le segment antérieur d’un enfant, avec ses antennes frontales encore visibles. Un bébé ! Un bébé qu’on avait déchiqueté sur une table, qui baignait dans son propre sang.
Mon ventre se soulevait, des nuées acides me labouraient la gorge.
— Gaby ? Gaby, tu m’entends ?
— Elle est consciente ?
— Je crois qu’elle va vomir.
La voix disait vrai ; mon estomac s’est retourné. On m’a soutenu la tête pendant que je me vidais.
— Qu’est-ce qu’on peut faire, Doc ?
— Tenez-la. Empêchez-la de se blesser.
Je toussais, me tortillais en tous sens.
— Lâchez-moi ! suis-je parvenue à articuler entre deux spasmes. Ne me touchez pas ! Vous êtes des monstres ! Des barbares !
J’ai poussé un nouveau hurlement, en me débattant pour échapper à ces mains qui m’entravaient.
— Du calme, Gaby ! Du calme. Tout va bien. (C’était la voix de Jared. Pour une fois, que ce soit lui ou un autre ne faisait nulle différence.)
— Monstres ! ai-je hurlé à m’en déchirer les cordes vocales.
— Elle a une crise d’hystérie, a expliqué Doc. Tenez-la.
Un éclair cinglant a traversé mon visage. On m’avait giflée.
Il y a eu un cri de stupeur, loin de la mêlée.
— Qu’est-ce que vous faites ? a rugi Ian.
— Elle a une crise de nerfs, ou quelque chose de ce genre, Ian. Doc tente de lui faire reprendre ses esprits.
Mes oreilles tintaient, mais ce n’était pas à cause de la claque. C’était l’odeur – l’odeur du sang argent dégouttant de la table d’opération –, l’odeur de la mort chez nous les âmes. La pièce s’est mise à se tordre, à se refermer sur moi, comme si j’étais dans le ventre d’un ver géant. La lumière dessinait d’étranges formes, convoquant les horreurs de mon passé. Un Vautour déployant ses ailes, un monstre à griffes abattant ses lourdes pinces. Doc, tout sourires, approchant de moi ses mains dégoulinantes d’argent. La pièce a effectué une autre rotation, avec une lenteur d’airain, et tout a viré au noir.
Je ne suis pas restée longtemps inconsciente. Quelques secondes, tout au plus. J’étais bien trop lucide à mon réveil ; l’oubli aurait été si doux.
On me déplaçait. J’étais ballottée de droite à gauche. Il faisait trop noir. Je n’y voyais rien. Heureusement, l’odeur hideuse s’était estompée. L’air rance et moisi des caves était une bénédiction !
On m’avait déjà transportée ainsi la première semaine, après que Kyle m’avait frappé. Je reconnaissais ce contact ; j’étais dans les bras de Ian.
— Je pensais qu’elle avait deviné ce qu’on faisait, murmurait Jared. Apparemment, j’avais tort.
— Tu crois que c’est ça ? a répliqué Ian d’un ton sec. Qu’elle a eu peur en voyant Doc tenter d’extraire des âmes ? Qu’elle a eu peur pour elle ?
Jared est resté silencieux un long moment.
— Tu as une autre interprétation ?
Ian a lâché un grognement.
— Oui, j’en ai une autre. Même si je suis écœuré de voir que tu as ramené d’autres cobayes pour Doc… Particulièrement maintenant… même si, moi aussi, ça me révulse que tu puisses faire ça, ce n’est pas ça qui l’a mise dans cet état. Comment peux-tu être aussi aveugle ? Tu imagines le choc qu’elle a eu en entrant dans cette pièce ?
— Les corps étaient couverts…
— Pas les bons corps, Jared ! Oh, je suis sûr que Gaby serait toute retournée de voir un cadavre humain. Elle est si gentille, si douce. La violence, la mort, ça ne fait pas partie de son monde. Mais songe à son horreur lorsqu’elle a vu ces reliques sur la table !
Il lui a fallu un moment pour comprendre.
— Oh…
— Oui. Si toi ou moi assistions à une vivisection sur des humains, et que nous découvrions des cadavres découpés, déchirés, avec du sang partout, on aurait la même réaction qu’elle. Et encore, nous avons déjà vu ça, avant l’invasion, dans des films d’horreur. Mais je suis prêt à parier que pour elle, c’est une première fois, dans toutes ses vies.
J’ai eu un nouveau haut-le-cœur. À cause des paroles de Ian qui ravivaient le souvenir ; la vue du carnage, l’odeur.
— Lâchez-moi, ai-je murmuré. Posez-moi à terre.
— Je ne voulais pas te réveiller. Je suis désolé. (Les derniers mots étaient prononcés avec ferveur ; Ian s’excusait pour tout le reste aussi.)
— Lâchez-moi.
— Tu ne vas pas bien. Je vais te ramener jusqu’à ta chambre.
— Non. Laisse-moi ici.
— Gaby…
— Pose-moi ! ai-je crié. (J’ai poussé sur sa poitrine tout en ruant des pieds pour me libérer. La férocité de ma réaction l’a saisi. Il a lâché prise et je suis tombée accroupie au sol.)
Je me suis relevée aussitôt et me suis enfuie.
— Gaby !
— Laisse-la.
— Toi, ne me touche pas ! Gaby ! Reviens !
Il y a eu un bruit de lutte derrière moi, mais je ne me suis pas retournée. Bien sûr, ils se battaient… c’étaient des humains. La violence était leur plaisir.
Je n’ai pas cessé de courir quand j’ai retrouvé la lumière. J’ai traversé la grande place sans un regard pour tous ces monstres. Je sentais leurs yeux rivés sur moi… grand bien leur fasse !
Peu m’importait aussi où j’allais. Je voulais juste être seule. Seule. J’ai évité les tunnels où il y avait du monde, et je me suis enfoncée dans le premier que j’ai trouvé désert.
C’était le tunnel est. C’était la seconde fois que je courais dans ce conduit ce jour-là. La première fois, ivre de joie, cette fois emplie d’horreur. J’avais du mal à me souvenir de ce que je ressentais plus tôt, quand le groupe était revenu d’expédition. Tout était noir et sinistre à présent, même leur retour. La moindre pierre semblait nimbée d’une aura maléfique.
Mais j’avais pris le bon chemin. Personne ne risquait de venir par ici. L’endroit était désert.
J’ai couru jusqu’à l’extrémité du boyau, et j’ai débouché sur le terrain de sport, plongé dans l’ombre. Comment avais-je pu jouer avec ces barbares ? Comment avais-je pu croire ces sourires sur leurs visages, sans voir la bête immonde qui se cachait dessous ?
J’ai continué à avancer jusqu’à patauger dans les eaux grasses de la source. J’ai reculé, les bras tendus, à la recherche du mur. Dès que mes doigts ont rencontré la surface rugueuse de la roche, je me suis tapie au pied de la paroi, dans un trou du rocher.
On n’avait pas pensé à ça. Doc ne ferait pas de mal à une mouche. Il tentait simplement de sauver…
Sors de ma tête ! ai-je hurlé.
Au moment où je la bâillonnais pour ne pas entendre ses justifications, je me suis aperçue à quel point elle s’était affaiblie au cours de tous ces mois d’entente entre nous. C’est moi qui me montrais amicale et coopérative, qui l’encourageais à « s’émanciper ».
C’était si facile de la réduire au silence. Presque trop… Ç’aurait dû être comme ça depuis le début.
Je me retrouvais enfin seule avec moi-même ! Et avec cette douleur et cette horreur qui seraient miennes à jamais. J’aurais toujours cette image de cauchemar devant les yeux. Je ne m’en libérerais pas. Elle ferait partie de mon être.
Je ne savais comment expulser mon chagrin. Je ne pouvais, à la manière des humains, pleurer la mort de ces âmes dont je ne connaîtrais jamais le nom, cet enfant découpé en morceaux sur la table d’opération.
Le chagrin n’existait pas sur Origine. J’ignorais comment manifester ma douleur, alors j’ai opté pour le modus operandi des Chauves-Souris aveugles dans le Monde des Chants. Cela me semblait approprié, ici, dans cette obscurité totale. Les Chauves-Souris célébraient leurs morts par le silence : elles cessaient de chanter pendant des semaines, jusqu’à ce que la douleur de ce silence soit pire que celle causée par la perte de leurs congénères. J’avais perdu quelqu’un là-bas. Un ami, tué dans un accident, la chute d’un arbre une nuit…. On l’a retrouvé trop tard, trop tard pour l’extraire du corps écrasé de son hôte. Spirale… Ascension… Harmonie… c’étaient les mots qui auraient formé son nom dans cette langue. Du moins, une approximation. Il n’y avait pas d’horreur dans sa mort, juste du chagrin, du regret. C’était un simple accident.
Les gargouillis de la rivière étaient bien loin de la perfection de nos chants. Dans cette cacophonie, je pourrais m’abîmer dans le deuil.
J’ai refermé mes bras autour de mes épaules et j’ai pleuré pour l’enfant, et pour l’autre âme qui était morte à ses côtés. Mes congénères. Ma famille. Les miens. Si j’avais découvert la façon de sortir de ce labyrinthe souterrain, si j’avais prévenu la Traqueuse, aujourd’hui ces deux âmes ne baigneraient pas dans leur sang, déchiquetées, leurs restes mêlés.
Je voulais sangloter, me lamenter. Mais c’était la façon humaine. Alors j’ai serré les lèvres et me suis recroquevillée dans le noir, gardant mon chagrin à l’intérieur.
Mais ils sont venus me déranger, troubler mon deuil.
Il leur a fallu quelques heures pour me trouver. J’entendais l’écho de leurs voix migrant par les boyaux souterrains. Ils m’appelaient, me cherchaient, espéraient une réponse. Devant le silence, ils ont apporté des lumières – pas les faibles lanternes solaires qui n’auraient pu percer les ténèbres au fond desquelles je me terrais, mais ces lances qui crachaient des jets jaunes aveuglants. Ils balayaient l’espace de droite à gauche, chaque faisceau comme autant de pendules de lumière. Même avec ces puissantes torches électriques, il leur avait fallu fouiller trois fois la pièce avant de me trouver. Ne pouvaient-ils me laisser tranquille ?
Quand la lumière m’a frappée, j’ai entendu leur soupir de soulagement.
— Elle est là ! Va dire aux autres qu’ils peuvent rentrer. Elle n’est pas sortie, finalement !
Je connaissais cette voix, mais je n’ai pas mis de nom dessus. Juste un monstre, parmi d’autres monstres…
— Gaby ? Gaby ? Ça va ?
Je n’ai pas levé la tête, ni ouvert les yeux, ni répondu. Je pleurais mes morts.
— Où est Ian ?
— Tu crois qu’on devrait aller chercher Jamie ?
— Il ne doit pas se lever avec sa jambe.
Jamie. J’ai frémi en entendant son nom. Mon Jamie. Un monstre aussi, comme les autres. Jamie. C’était une telle douleur de penser à lui.
— Où est-elle ?
— Par ici, Jared ! Elle est… prostrée.
— On ne l’a pas touchée.
— Donne-moi la lampe ! a ordonné Jared. Maintenant, sortez d’ici. Tous. Fin de l’alerte ! Laissez-lui de l’air, d’accord ?
Il y a eu des bruits de pas, mais ils n’ont pas été très loin.
— Sérieusement, les gars. Vous gênez. Allez-vous-en.
Les bruits ont recommencé, timides au début, puis plus volontaires. Les pas se sont éloignés, et évanouis tout à fait.
Jared a attendu que le silence soit complet.
— C’est bon, Gaby, il n’y a plus que toi et moi.
Il attendait une réponse de ma part.
— Écoute, j’imagine que ça a dû te causer un choc. On n’a jamais voulu que tu voies ça. Je suis désolé.
Il était « désolé » ? C’était une idée de lui, selon Geoffrey ! Il voulait m’arracher de Mel à coups de bistouri, me découper, repeindre les murs de mon sang. Il m’aurait patiemment coupée en un million de rondelles si cela avait pu lui rendre sa jolie monstresse !
Il est resté silencieux un long moment, attendant toujours une réaction de ma part.
— Tu veux rester seule, j’ai l’impression. Entendu. Je peux m’arranger pour qu’on te laisse tranquille, si c’est ça que tu veux.
Je n’ai pas bougé.
Il a touché mon épaule. Je me suis recroquevillée contre la paroi pour rompre ce contact.
— Pardon, a-t-il marmonné.
Je l’ai entendu se lever et la lumière, cramoisie derrière mes paupières, a faibli.
Il a rencontré quelqu’un à l’entrée de la salle.
— Où est-elle ?
— Elle veut rester seule. Laisse-la tranquille.
— Ne te mets pas encore une fois en travers de mon chemin.
— Tu crois que tu peux la consoler ? Toi, un humain ?
— Je n’ai pas participé à cette…
— Pas cette fois, c’est vrai, a répondu Jared en baissant la voix. Mais tu es l’un d’entre nous, Ian. Tu es son ennemi. Tu as entendu ce qu’elle a dit ? Nous sommes des monstres. C’est ainsi qu’elle nous voit désormais. Elle n’a pas besoin de toi.
— Donne-moi cette lampe !
Il y a eu un silence. Plusieurs secondes se sont écoulées puis j’ai entendu des pas lents s’approcher. Finalement, le faisceau est revenu sur moi, embrasant de nouveau le rideau de mes paupières.
Je me suis mise en boule, craignant encore le contact d’une main.
Il y a eu un soupir, puis le froissement d’un pantalon – assez loin de moi, contrairement à ce que je craignais.
Dans un clic, la lumière s’est éteinte.
J’ai attendu pendant un long moment. J’étais certaine que Ian allait parler, mais il est resté aussi silencieux que moi.
Finalement, je me suis lassée d’attendre et je suis retournée à mon deuil. Ian ne m’a pas interrompue. J’étais assise dans un trou noir, au milieu de la terre, et je pleurais deux âmes perdues, avec un humain à mes côtés.